La volonté d’un Sénégal émergent : promouvoir le mérite et la compétence dans tous les segments de la nation (partie 4)


 

La qualité des ressources humaines dans la conduite des politiques publiques est un atout essentiel pour transformer durablement nos sociétés. Ces dernières années au Sénégal, on a assisté à des nominations très controversées. Certaines fonctions étatiques ont été désacralisées du fait de nominations « ubuesques ». La compétence ne semble plus prédominer dans le choix des hommes. Une habitude s’est installée au fil des années, la clientèle politique est casée à tous les niveaux de l’appareil étatique. Il n’est plus besoin de disposer d’une expérience solide dans son domaine de compétence pour occuper un poste dans l’administration sénégalaise.

Des hommes politiques qui incarnaient des contres modèles ont été propulsés à des postes stratégiques du fait de leur extraordinaire capacité à s’arrimer à chaque nouveau pouvoir. Ce phénomène communément appelé « transhumance » est la séquence favorite de bons nombres de politiciens après chaque élection présidentielle. Les « politiciens professionnels » usent de stratagèmes pour entrer dans les bonnes grâces du Chef de l’Etat. La politique nous dit-on ici c’est de « l’arithmétique ».

Ce phénomène communément appelé « transhumance » est la séquence favorite de bons nombres de politiciens après chaque élection présidentielle.

Il faut additionner les voix pour gagner et peu importe qui mobilise l’électorat pour le président. Cette croyance est tellement forte que le « prince » n’hésite pas à s’allier avec ses « calomniateurs » d’hier. En politique, il faut avoir la mémoire courte semble t-il ? Les jeux d’alliances et les nominations de ces dernières années montrent à suffisance la réalité de cette posture politique.

Si nous souhaitons devenir un pays « émergeant » dans les prochaines années, il faut indubitablement revoir le système de nomination dans l’appareil administratif. Récompenser un compagnon en lui confiant un poste névralgique alors qu’il échappe à sa compétence ne s’inscrit nullement sur la trajectoire de « l’émergence ». Dans l’atmosphère euphorisante de la victoire à l’élection présidentielle, il est usuel de voir des nominations pour le moins surprenantes. Le mauvais casting effectué par nos chefs d’Etat a pour conséquence immédiate des tâtonnements et des cafouillages dans la conduite des politiques publiques. Un changement de paradigme est inévitable face aux échecs répétés dans le choix des hommes.

Récompenser un compagnon en lui confiant un poste névralgique alors qu’il échappe à sa compétence ne s’inscrit nullement sur la trajectoire de « l’émergence ». Dans l’atmosphère euphorisante de la victoire à l’élection présidentielle, il est usuel de voir des nominations pour le moins surprenantes.

Penser que seuls les militants du parti doivent prétendre aux fonctions étatiques les plus importantes est le mal absolu de la politique en Afrique et au Sénégal. La gestion de l’Etat requiert un minimum de préparation et le fait d’avoir soutenu de manière ardente le candidat victorieux ne doit aucunement constituer le critère ultime dans le choix des hommes. Ces dernières années, le nombre d’agences et de directions nationales à explosé sans que l’on ne voit réellement l’articulation et l’efficacité de toutes ces structures.  Personne au Sénégal n’est en mesure de donner le nombre exact de toutes ces entités qui dépendent de l’Etat.  Le poste de Président du conseil d’administration (PCA) est une des fonctions les plus convoitées par les hommes politiques.

Lire aussi : La volonté d’un Sénégal émergent : révolutionner l’administration sénégalaise 

Dépolitiser l’administration, une vraie rupture attendue

La double casquette de directeur d’une agence étatique et de responsable politique est un obstacle à la bonne marche de l’administration. Comment concilier l’intérêt général et les intérêts particuliers surtout en période électorale ?

Un cas intéressant a retenu mon attention et figure dans le seul et unique rapport de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) à ce jour (http://bit.ly/293peeR). Selon le rapport,le directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar (COUD) a accordé une subvention en violation de la procédure prévue qui exige l’autorisation du Conseil d’administration comme préalable. En effet, l’article 13 du décret n° 75-890 du 23 juillet 1975 fixant les règles d’organisation et de fonctionnement du Centre des œuvres universitaires de Dakar exige l’autorisation préalable du Conseil d’administration.

Il a également été constaté que, dans le cadre des subventions, le directeur a effectué un certain nombre de dépenses à l’occasion d’une cérémonie de visite au campus, le 31 juillet 2015 (le rapport ne le précise pas expressément mais il s’agissait de la visite du président Sall http://bit.ly/2F21Qu9 ). C’est ainsi que les vérificateurs ont constaté le versement de subventions au régisseur pour les dépenses suivantes :

  • huit millions (8 000 000) de francs CFA destinés aux étudiants de l’UCAD ;
  • quinze millions (15 000 000) de francs CFA pour l’habillement d’accueil pour les étudiants ;
  • trente-deux millions (32 000 000) de francs CFA pour l’habillement des femmes et des hôtesses du COUD ;
  • trente-quatre millions (34 000 000) de francs CFA pour la confection de tee-shirt, body et casquettes pour les étudiants et personnel du COUD. 
Ainsi, un montant global de quatre-vingt-neuf millions (89 000 000) de francs CFA a été engagé à titre de subvention pour la cérémonie de visite. 
Au total, les vérificateurs ont constaté les éléments suivants :
  • la décision d’octroi de ces subventions est prise le 13 août 2015, alors que la cérémonie était prévue pour le 31 juillet 2015 ; il y a donc postériorité de la décision par rapport à l’évènement que les dépenses sont censées couvrir ;
  • comme précisé plus haut, toute subvention devrait être autorisée par le Conseil d’Administration. Cela n’a pas été le cas.

Ce cas relevé par l’Ofnac et les sommes versées pour une manifestation politique démontre la nécessité de revoir les nominations dans l’administration.

Lutter contre l’ingérence du politique dans l’administration 

Il faudrait légiférer pour qu’aucun directeur d’une administration ou agence étatique ne puisse s’adonner à une activité politique. Il faudrait procéder à un appel à candidature pour les postes de direction au sein de l’administration pour créer la vraie rupture. Ainsi, le pays disposerait de tous ses talents et compétences sans coloration politique pour amorcer les véritables changements. La Côte d’Ivoire a inclus cette procédure au sein de son administration. Elle a lancé un appel à candidature pour le poste de Directeur général des impôts et domaines en 2016 (http://bit.ly/2EnnLL7).

Il faudrait procéder à un appel à candidature pour les postes de direction au sein de l’administration pour créer la vraie rupture. Ainsi, le pays disposerait de tous ses talents et compétences sans coloration politique pour amorcer les véritables changements.

L’administration gagne en efficacité lorsque de telles procédures sont mise en oeuvre et que les meilleurs profils concourent à apporter leur expertise à leur pays à des postes stratégiques. Les nominations politiques doivent être réservées à certaines fonctions comme celles de ministres ou les membres du cabinet du président de la République. La « politisation » excessive des services publics quant au choix des personnes pour les administrer pose un réel problème d’efficacité dans nos Etats.

La société civile doit faire preuve de plus d’implication dans le suivi des nominations dans l’administration. Les médias également ont un rôle majeur à jouer sur l’information concernant le background  de nos gouvernants.  On ne peut pas imaginer en Afrique à quel point un bon dirigeant qui sert exclusivement l’intérêt général peut changer la donne dans son secteur d’activité.

Babacar Ndiaye, le 08 janvier 2018

 

 

 

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